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Posté(e)

Bonsoir, le voici

Et par une méditation assidue j’arrivai à voir que, pourvu que je pusse m’engager à fond, j’abandonnais des maux certains pour un bien certain. Je me voyais en effet, plongé dans le plus grand danger  et forcé de chercher de toutes mes forces un remède, quoique incertain ; de même qu’un malade atteint d’une maladie mortelle, et qui prévoit une mort certaine à mois qu’il n’applique un remède, est contraint de le chercher de toutes ses forces, si incertain qu’il soit ; car, c’est en lui que gît tout espoir. Or touts les buts que poursuit la foule, non seulement ne fournissent aucun remède pour la conservation de notre être, mais encore l’empêchent, étant souvent cause de la perte de ceux qui les possèdent, et toujours cause de la perte de ceux qui en sont possédés.

[...] Mais l’amour d’une chose éternelle et infinie nourrit l’âme d’une joie pure, qui est exempte de toute tristesse ; ce qui est éminemment désirable et doit être recherché de toutes nos forces. Or ce n’est pas sans raison que j’ai employé ces mots : pourvu que je pusse m’engager à fond. En effet, si clairement que je perçusse tout cela par mon esprit, je ne pouvais cependant pour cela renoncer entièrement à l’avarice, à la passion charnelle et à la gloire.

  • E-Bahut
Posté(e)

Bon, d'une part désolé d'avoir pris autant de temps pour répondre.

Ce texte est assez obscur, mais en partie parce qu'il est tronqué. L'immense problème pour l'analyse de cet extrait, c'est qu'on ne sait pas de quoi parle Spinoza. "l'amour d'une chose éternelle et infinie", d'accord, mais de quoi parle-t-on? Des mathématiques? Du Graal? De l'âme? D'une vérité mystique? De dieu? Il faut aller voir le texte complet et son analyse pour comprendre.

 

Déjà, prenons le texte de Spinoza dans son entier, sans couper

 "Et par une méditation assidue j’arrivai à voir que, pourvu que je pusse m’engager à fond, j’abandonnais des maux certains pour un bien certain. Je me voyais en effet, plongé dans le plus grand danger  et forcé de chercher de toutes mes forces un remède, quoique incertain ; de même qu’un malade atteint d’une maladie mortelle, et qui prévoit une mort certaine à mois qu’il n’applique un remède, est contraint de le chercher de toutes ses forces, si incertain qu’il soit ; car, c’est en lui que gît tout espoir. Or touts les buts que poursuit la foule, non seulement ne fournissent aucun remède pour la conservation de notre être, mais encore l’empêchent, étant souvent cause de la perte de ceux qui les possèdent, et toujours cause de la perte de ceux qui en sont possédés.

 Il y a en effet, de très nombreux exemples de gens qui, à cause de leurs richesses, ont souffert la persécution et jusqu’à la mort, ainsi que de gens qui, pour acquérir des biens, se sont exposés à tant de dangers que, finalement, ils payèrent de leur vie, leur bêtise. Et non moins nombreux sont les exemples de ceux qui ont souffert très cruellement pour obtenir ou conserver des honneurs. Innombrables enfin sont les exemples de gens qui ont hâté leur mort par des excès de volupté.

 Ces maux, à la réflexion, me semblèrent provenir de cela seul que toute notre félicité ou infélicité dépend d’une seule chose, à savoir, de la qualité de l’objet auquel nous adhérons par l’amour. En effet, jamais des disputes ne naîtront à cause d’un objet qui n’est pas aimé ; on n’éprouvera nulle tristesse s’il périt ; aucune envie, s’il est possédé par un autre, aucune crainte, aucune haine et, pour le dire en un mot, aucune commotion de l’âme. Tout cela a lieu, par contre, dans l’amour des choses périssables, comme le sont toutes celles dont nous venons de parler.

 Mais l’amour d’une chose éternelle et infinie nourrit l’âme d’une joie pure, qui est exempte de toute tristesse ; ce qui est éminemment désirable et doit être recherché de toutes nos forces. Or ce n’est pas sans raison que j’ai employé ces mots : pourvu que je pusse m’engager à fond. En effet, si clairement que je perçusse tout cela par mon esprit, je ne pouvais cependant pour cela renoncer entièrement à l’avarice, à la passion charnelle et à la gloire.

 Je voyais seulement que, tant que l’esprit s’attachait à ces pensées, il se détournait des faux biens et réfléchissait sérieusement au projet nouveau (de la recherche du vrai bien). Ce qui me fut d’une grande consolation. Car je voyais que ces maux ne sont pas d’une nature telle qu’ils ne veuillent céder aux remèdes. Et bien qu’au début ces intervalles (dans lesquels l’esprit se détachait des faux biens) fussent rares, et d’une durée extrêmement brève, cependant, après que le vrai bien me fut de plus en plus connu, ils devinrent plus fréquents et plus longs. Surtout après que j’eus vu que l’acquisition de l’argent, la passion charnelle ou la gloire ne nous font du tort que tant qu’elles sont recherchées pour elles-mêmes et non comme moyens en vue d’autre chose. Par contre, si on les recherche comme moyens, on en usera avec mesure et elles ne nous nuiront aucunement. Au contraire, ainsi que nous le montrerons en son lieu, elles contribueront grandement à nous mener au but pour lequel on les recherche."

 

 

L'extrait donné à analyser à coupé les exemples du raisonnement, ce qui est dommage car ils permettaient de mieux comprendre le propos.

Déjà, nous ne savons toujours pas ce que serait cette "chose éternelle et infinie", mais nous avons des exemples de ce à quoi elle s'oppose: l'argent, les honneurs, la volupté. Spinoza oppose le temporaire à l'éternel.

D'une part ce texte décrit une recherche de bonheur, mais il fonde le bonheur sur la recherche d'une "chose éternelle et infinie". Ce qu'elle est, au fond, c'est la recherche elle-même: la connaissance et la liberté.

Posté(e)

Bonjour,

Je vois, c'est vrai que avec le texte en entier, je peux en déduire un peu plus de choses.

Mais du coup ce texte, il se fonde principalement sur l'amour, n'est-ce pas ? Vu qu'il est dit que " l’amour d’une chose éternelle et infinie nourrit l’âme d’une joie pure, qui est exempte de toute tristesse ; ce qui est éminemment désirable et doit être recherché de toutes nos forces"

Ainsi  l'amour serait-elle cette chose éternelle et infinie ?

  • E-Bahut
Posté(e)

Non, pour comprendre la doctrine de Spinoza de façon plus large, je suis en mesure de dire que ce n'est pas l'amour, mais quelque chose de plus simple: la joie.

Spinoza est à sa manière propre un idéaliste: il considère que nous ne vivons pas seulement dans le monde matériel, mais dans nos représentations mentales de ce monde (qui est bien difficile à estimer, puisqu'il subit le filtre de nos perceptions et de notre imagination).

Autrement dit pour Spinoza: on habite dans sa tête avant d'habiter sur Terre. Ce qui l'amène à être particulièrement attentif aux phénomènes psychologiques et aux émotions, qu'il appelle les affects. On peut considérer Spinoza comme un précurseur de la psychologie, qui n'était pas encore une science.

Et puisque Spinoza est attentif aux affects, sa doctrine se fonde sur une dualité simple: la tristesse et la joie. L'amour, c'est de la joie associée à l'idée d'une cause extérieure (tu penses que X te rend heureux, donc tu aimes X). Et la haine, c'est la réciproque: c'est de la tristesse associée à l'idée d'une cause extérieure (je cite l'Ethique, livre III, proposition XIII, scholie).

Le but de Spinoza est idéaliste: il ne cherche pas la Vérité, ou Dieu, ou l'éternité, ou l'Un, comme un philosophe mystique de l'Antiquité tardive ou du Moyen-Âge. Il cherche le moyen d'être heureux, de vivre dans la joie.

Et il constate que de nombreux moyens sont inefficaces: l'argent, les honneurs, la volupté, mènent à une joie passagère, puis à la tristesse et au malheur. Et la recherche de ces joies passagères mène régulièrement à la mort... C'est donc un échec sur toute la ligne.

Pour Spinoza, le bonheur consiste dans une recherche de biens plus précieux, justement parce qu'ils sont durables (qui sont la connaissance, parce qu'elle apporte la liberté). Et cette recherche apporte une vie de bonheur durable, malgré les appels de biens plus temporaires.

 

Faisons un raccourci avec une comparaison idiote, juste pour le plaisir de résumer: d'après Spinoza, un chercheur en physique quantique, même dans un petit laboratoire en manque de financements, est infiniment plus heureux qu'une popstar qui rencontre le succès, la célébrité et l'argent. Parce que le physicien recherche les lois naturelles nécessaires de l'univers, et que ses découvertes seront définitives. Alors que la popstar ne comprendra jamais vraiment d'où vient son succès (chance? talent? bon moment pour le public? les trois en même temps?) et passera son temps à chercher des bien temporaires et fragiles (l'argent se dépense, la célébrité s'oublie, le succès passe). Et ce n'est pas pour le plaisir d'aller dans le sens de Spinoza, mais le taux de suicide des chanteurs pop, comparé à celui des physiciens, semble lui donner raison.

Posté(e)

Je comprends beaucoup mieux grâce à vos exemples, merci de m'avoir aidé à mieux comprendre.

Si j'ai d'autres questions à ce sujet, pourrais-je vous les poser ?

 

  • E-Bahut
Posté(e)
il y a une heure, arnauld a dit :

Je comprends beaucoup mieux grâce à vos exemples, merci de m'avoir aidé à mieux comprendre.

Si j'ai d'autres questions à ce sujet, pourrais-je vous les poser ?

 

Bien sûr!

Posté(e)

Rebonjour, dans ce texte de Spinoza, je voudrai savoir si il y a une chose principalement dont l'auteur s'y intéresse vraiment ou bien le texte (=idée) repose sur plusieurs objets ?

Ce que je veux dire c'est si il y a un problème qui se pose dans ce texte ou bien il y en a pas ?

  • E-Bahut
Posté(e)

Tel qu'il est charcuté, malheureusement, c'est difficile de répondre et trouver une problématique claire.

Il y a un objet clair dans l'extrait: trouver une chose durable qui puisse rendre heureux (on sait, par la connaissance plus large des oeuvres de Spinoza, que cette chose est la recherche intellectuelle: pour Spinoza le mathématicien qui découvre un théorème est plus heureux que le marchand qui réussit, parce que son oeuvre est infiniment plus durable).

Du coup, le problème de cet extrait devient: comment trouver une chose durable et éternelle, dont la recherche nous rende heureux?

  • 1 mois plus tard...
Posté(e)

Rebonjour, j'ai une question de philosophie que je n'arrive pas a comprendre. Je voudrais si possible que l'on m'explique son sens, merci.

La question est ; Somme nous moins heureux quand nous sommes plus responsable ?

  • E-Bahut
Posté(e)
Il y a 4 heures, arnauld a dit :

Rebonjour, j'ai une question de philosophie que je n'arrive pas a comprendre. Je voudrais si possible que l'on m'explique son sens, merci.

La question est ; Somme nous moins heureux quand nous sommes plus responsable ?

Je te réponds ici:

 

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