Bonjour j'ai une question mais je ne trouve pas la réponse pouvez vous m'éclairer ? Quelles sont les principales vertus éducatives de l'exemplum ?
Les préceptes et les autres enseignements du même genre sont connus, même des
profanes.
Posidonius regarde comme nécessaire non seulement la préception (car rien ne nous
défend l'usage de ce mot), mais aussi la persuasion, la consolation et l'exhortation. Il y
ajoute encore la recherche des causes, que nous oserons appeler l'étiologie, puisque les
grammairiens, gardiens de la langue latine, ont adopté ce mot. Posidonius prétend qu'une
description de chaque vertu serait utile, c'est ce qu'il appelle éthologie; d'autres l'appellent
caractère. C'est le tracé caractéristique de chaque vice et de chaque vertu; à l'aide de ce
tracé, on peut apercevoir en quoi diffèrent des objets qui se ressemblent.
Ceci revient à donner des préceptes. Car celui qui donne des préceptes dit; "Voilà ce qu'il
faut faire pour être tempérant". Celui qui décrit, dit : "L'homme tempérant fait ceci, évite
cela". Vous demandez la différence entre ces deux méthodes? L'une donne les préceptes
de la vertu; l'autre en donne le modèle. Je conviens que ces descriptions, que ces
signalements, pour employer un terme de douane, ont de l'utilité. Exposons de beaux
modèles ; il se trouvera des imitateurs. Trouvez-vous à propos qu'on vous donne des
marques certaines auxquelles vous puissiez reconnaitre un noble coursier, pour ne pas
vous tromper dans un achat, pour ne pas perdre votre peine à dresser une rosse? Combien
plus il nous est utile d'étudier les marques d'un esprit supérieur dont nous pouvons nous
approprier les caractères!
[…] Si j'avais à peindre Caton intrépide au milieu du fracas des armes, gourmandant lepremier les armées déjà parvenues aux Alpes, et marchant à la rencontre de la guerre
civile, je ne lui donnerais pas un autre aspect, ni une autre démarche. Car certainement
nul homme n'a levé plus fièrement la tête que celui qui brava en même temps César et
Pompée; qui, tandis qu'on se partageait entre ces deux généraux, provoqua l'un et l'autre et fit voir que la république avait aussi ses partisans. C'est peu de dire en parlant de Caton :
"il ne s'effraie point de vaines rumeurs ---".Et comment ne les braverait-il pas, lui que n'émeuvent pas même des périls imminents et des alarmes fondées; lui qui ose, contre dix légions, contre les auxiliaires gaulois, contrel es armes barbares mêlées aux armes romaines, élever une voix indépendante, exhorter la république à ne point désespérer de la liberté, mais à tout tenter, parce qu'il est moins honteux de tomber sous le joug, que d'aller au-devant? Quelle vigueur dans cet homme !quelle énergie! quelle assurance, quand tout tremble autour de lui! Il sait qu'il est le seul
dont l'existence ne soit pas en cause; qu'il ne s'agit pas de savoir si Caton sera libre, mais s'il vivra parmi des hommes libres. De là ce mépris des glaives et des dangers. En admirant l'invincible constance de cet homme, debout sur les ruines de la patrie, on peut dire :
"On voit sur son poitrail ses muscles se gonfler ---".
Il sera très utile, non seulement de dépeindre les hommes vertueux dans leur attitude habituelle et de reproduire leurs traits, mais encore de raconter ce qu'ils ont été dans
quelques cas particuliers; de mettre, par exemple, sous les yeux cette dernière, cette héroïque blessure de Caton, blessure par laquelle la liberté rendit l'âme; de montrer la sagesse de Lélius et son union inaltérable avec son cher Scipion; les belles actions civiles et militaires de l'autre Caton; les lits de bois de Tubéron, exposés en public, avec des peaux de bouc servant de couvertures, et ses vases d'argile offerts aux convives devant le
temple même de Jupiter. N'était-ce pas là consacrer la pauvreté jusque dans le Capitole?
Quand même je n'aurais pas d'autre trait pour le mettre au rang des Catons, celui-là ne
suffirait-il pas? C'était une censure, et non pas un festin. O qu'ils entendent peu la gloire,
et comment il la faut chercher, ces gens qui en sont si avides! Ce jour-là le peuple romain
vit la vaisselle d'un grand nombre de citoyens; il n'admira que celle d'un seul : l'or et
l'argent de tous les autres ont été brisés et mille fois refondus; mais les vases d'argile de
Tubéron dureront à jamais.