anglieto Posté(e) le 3 novembre 2004 Signaler Posté(e) le 3 novembre 2004 En France nos anciens poètes et nos anciens historiens chantaient et écrivaient au milieu des pèlerinages et des combats : Thibault, comte de Champagne, Villehardouin, Joinville, empruntent les félicités de leur style des aventures de leur carrière ; Froissard va chercher l’histoire sur les grands chemins, et l’apprend des chevaliers et des abbés qu’il rencontre, avec lesquels il chevauche. Mais à compter du règne de François 1°, nos écrivains ont été des hommes isolés dont les talents pouvaient être l’expression de l’esprit, non des faits de leur époque. Si j’étais destiné à vivre, je représenterais dans ma personne, représentée dans mes mémoires, les principes, les idées, les événements, les catastrophes, l’épopée de mon temps, d’autant plus que j’ai vu finir et commencer un monde, et que les caractères opposés de cette fin et de ce commencement se trouvent mêlés dans mes opinions. Je me suis rencontré entre les 2 siècles comme au confluent de 2 fleuves ; j’ai plongé dans leurs eaux troublées, m’éloignant à regret du vieux rivage où j’étais né, et nageant avec espérance vers la rive inconnue où vont aborder les générations nouvelles. Les Mémoires, divisées en livres et en parties, sont écrits à différentes dates et en différents lieux : ces sections amènent naturellement des espèces de prologues qui rappellent les accidents survenus depuis les dernières dates, et peignent les lieux où je reprend le fil de ma narration. Les événements variés et les formes changeantes de ma vie entrent ainsi les uns dans les autres : il arrive que dans les instants de mes prospérités, j’ai à parler du temps de mes misères , et que, dans mes jours de tribulations, je retrace mes jours de bonheur. Les divers sentiments de mes âges divers, ma jeunesse pénétrant dans ma vieillesse, la gravité de mes années d’expérience attristant mes années légères ; les rayons de mon soleil, depuis son aurore jusqu’à son couchant, se croisant et se confondant comme le reflet épars de mon existence, donnent une sorte d’unité indéfinissable à mon travail : mon berceau a de ma tombe, ma tombe a de mon berceau : mes souffrances deviennent des plaisirs, mes plaisirs des douleurs, et l’on ne sait si ces Mémoires sont l’ouvrage d’une tête brune ou chenue. F-R de Chateaubriand, « Préface testamentaire » 1833. Mémoires d’outre-tombe. Voilà, j’ai ce texte, je dois faire un commentaire dessus. Le problème c’est que j’ai jamais fait de commentaire dans ma vie. Alors j’aimerais avoir vos idées, conseils, histoire de démarrer sur de bonne pistes. Parce que j’ai beau lire la méthode de e-bahut, je comprends pas trop.. Merci à tous. Bizzz.
E-Bahut sansid3 Posté(e) le 3 novembre 2004 E-Bahut Signaler Posté(e) le 3 novembre 2004 Pour moi, j'essaye toujours de comprendre un texte dans son contexte 1) Le manque de confiance Guizot, enfant de son siècle est en proie aux turpitudes que connaissent les romantiques, de ce désespoir ou vague à l’âme, il tirera une volonté pure et animée par le désir raisonné de donner vie à un idéal d’ordre et de paix . Guizot, en effet, prend conscience du drame que vit l’Europe et la France en particulier ; et celui ci touche en profondeur les hommes . De ces troubles naît un manque de confiance paralysant la reconstruction de la société, empêchant également la démystification d’une Histoire dont on ne perçoit plus le sens, les deux phénomènes se conjuguant, s’alimentant réciproquement nuisent au passage à la société nouvelle . Le manque de confiance, d’abord. La confiance est le moteur de toute activité humaine comme l’avait analysé A Peyrefitte dans La société de confiance. Ce sentiment traduit un désir de certitude se rapportant à la réalisation de l’objet, du but que l’on voudrait se fixer : l’homme a besoin d’éprouver l’utilité de ses efforts . Cette confiance en l’avenir est érodée par les troubles révolutionnaires . Les hommes se sentent déracinés : tant de régimes furent balayés, d’histoire récompensée, de projets avortés : le passé n’apporte aucune quiétude Rosanvallon n’en dit pas moins en pensant le problème des libéraux comme la difficulté d’innover alors que la société a perdu ses racines, ses repères. Lamartine voit s’écrouler un vieux monde sans que la nouveauté reconstruise la société. La hantise de la dissolution sociale habite, devient un leitmotiv tant du coté ultra que du coté libéral. Le lien social semi rompu, inexistant. Trois hommes illustrent ce sentiment de déracinement et nous éviteront de banales descriptions. Chopin, né en 1810 mort en 1849. L'étranger, l'exilé, personnifie l'être souffrant : cf. le portrait de Delacroix, le mélancolique qui ne sait plus vers où catalyser son inspiration, l'albatros baudelairien. Ecoutez le. Chateaubriand. Les Mémoires d'Outre Tombe : " Les vieillards d'autrefois étaient moins malheureux et moins isolés que ceux d'aujourd'hui : si ; en demeurant sur la terre ; ils avaient perdu leurs amis, peu de chose du reste avait changé autour d 'eux ; étrangers à la jeunesse ; ils ne l'étaient pas à la société. Maintenant un traînard dans ce monde a non seulement vu mourir les hommes, mais il a vu mourir les idées : principes, mœurs, goûts, plaisirs, peines, sentiments, rien ne ressemble à ce qu'il a connu. Il est d'une race différente de l'espèce humaine au milieu de laquelle il achève ses jours " Citons encore sa Préface testamentaire : " Je me suis rencontré entre les deux siècles, comme au confluent de deux fleuves, j'ai plongé dans leurs eaux troubles, m’éloignant à regret du vieux rivage où j’étais né, et nageant avec espérance vers la rive inconnue où vont aborder les générations nouvelles " L’espérance est là ; comme un devoir mais le sentiment n'y est plus. L'homme a été violemment arraché d'un monde et l'avenir demeure obscur. L'histoire, énigme opaque devient une sorte de carnaval inintelligible " contradiction insoluble " dirait-il encore. Lui aussi pense que seule la Providence dispose du plan de l'ordre des choses ; mais il est illisible et invisible pour l'homme. Le vieil homme n'est plus un sage mais un " traînard " dont l'environnement est anéanti ; il n'est plus qu'un " en trop ". Chez Musset, la souffrance est plus atroce que la mélancolie et la nostalgie. Dans La Confession d'un enfant du siècle, le héros n'a rien d'un Lorenzaccio qui souffre pour une cause " utile ". Il se pose comme l'enfant d'un siècle malade, non isolé, en pleine crise face au sentiment de la déréliction du monde qui l'a envahi. Dès le premier chapitre, il parle de " maladie morale abominable ". Puis est dépeint un " monde en ruines ", " une jeunesse soucieuse ", une société qui ne sait plus ce qu'elle veut, l'impression de traverser " une mer houleuse et pleine de naufrages. (...)Le siècle présent, en un mot qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et ou l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une semence ou sur un débris ".
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