Objet d'étude :Le théâtre du XVII au XXI
Séquence III : « Je suis une force qui va »
étude d'une œuvre intégrale, Hernani, Hugo
Acte IV, scène 2
Commentaire dirigé :
I- Un monologue lyrique
1- Comment Don Carlos exprime-t-il son trouble ?
2- Quels sont les états d'âme de Don Carlos ? Par quels procédés d'écriture ( figures de style etc.) les livre-t-il aux spectateurs ?
3-En quoi Don Carlos peut-il être qualifié de héros romantique ?
II- Le théâtre, une tribune politique
4-Dégagez les mouvements du texte ( Mettre en évidence les différentes parties du texte et les figures de style sur lesquelles chacune repose).
5-Hugo parle aux spectateurs par la bouche de Don Carlos. Quelle image donne-t-il du peuple? Quels procédés d'écriture utilise-t-il ?
6-Rédigez l'introduction qui serait celle du commentaire de cette scène d'Hernani ( 1- inscription de la scène au sein de la pièce,2-annonce des thèmes essentiels de la scène)
Si je l’avais !... — ô ciel ! être ce qui commence !
Seul, debout, au plus haut de la spirale immense !
D’une foule d’états l’un sur l’autre étagés
Etre la clef de voûte, et voir sous soi rangés
Les rois, et sur leur tête essuyer ses sandales ;
Voir au-dessous des rois les maisons féodales[1],
Margraves[2], cardinaux, doges[3], ducs à fleurons[4] ;
Puis, évêques, abbés, chefs de clans[5], hauts barons[6] ;
Puis, clercs[7] et soldats ; puis, loin du faîte où nous sommes,
Dans l’ombre, tout au fond de l’abîme, — les hommes.
Les hommes ! - c’est-à-dire une foule, une mer,
Un grand bruit ; pleurs et cris : parfois un rire amer,
Plainte qui, réveillant la terre qui s'effare,
A travers tant d'échos, nous arrive fanfare !
Les hommes ! - des cités, des tours, un vaste essaim, -
De hauts clochers d'église à sonner le tocsin!-
Rêvant
Base de nations[8] portant sur les épaules
La pyramide énorme appuyée aux deux pôles,
Flots vivants, qui toujours l'étreignant de leurs plis,
Le balancement, branlante, à leur vaste roulis,
Font tout changer de place et, sur ses hautes zones,
Comme des escabeaux font chanceler les trônes,
Si bien que tous les rois, cessant leurs vains débats,
Ah ! Le peuple ! — océan ! Onde sans cesse émue,
Où l’on ne jette rien sans que tout ne remue !
Vague qui broie un trône et qui berce un tombeau !
Miroir où rarement un roi se voit en beau !
Ah ! Si l’on regardait parfois dans ce flot sombre,
On y verrait au fond des empires sans nombre,
Grands vaisseaux naufragés, que son flux et reflux
Roule, et qui le gênaient, et qu’il ne connaît plus !
Gouverner tout cela ! Monter, si l’on vous nomme,
À ce faîte ! Y monter, sachant qu’on n’est qu’un homme !
Avoir l’abîme là ! … — Pourvu qu'en ce moment
Il n'aille pas me prendre un éblouissement !
Oh ! D'Etats et de rois, mouvante pyramide,
Ton faîte est bien étroit ! - Malheur au pied timide !
A qui me retiendrai-je ?... Oh ! Si j'allais faillir[9]
En sentant sous mes pieds le monde tressaillir !
En sentant vivre, soudre[10] et palpiter la terre !
-,Puis, quand j'aurais ce globe[11] entre mes mains, qu'en faire !
Le pourrai-je porter seulement ? Qu'ai-je en moi ?
Etre empereur ! mon Dieu ! j'avais trop d'être roi !
Certe, il n'est qu'un mortel de race peu commune
Dont puisse s’élargir l’âme avec la fortune.
Mais moi ! Qui me fera grand ? Qui sera ma loi ?
Qui me conseillera ? …
Il tombe à genoux devant le tombeau.
[1]Maisons féodales : grandes familles nobles.
[2]Margraves : terme d'origine allemande ( Markgraf, « comtes, gouverneur d'une marche », c'est-à-dire d'une province frontalière de l'Empire), titre de certains princes souverains allemands.
[3]Doges : souverains élus des républiques de Venise et de Gênes.
[4]Fleurons : ornements en forme de fleur sur le bord supérieur des couronnes ducales.
[5]Clans : tribus écossaises ou irlandaises formées de plusieurs familles ayant un ancêtre commun.
[6]Hauts barons : grands seigneurs de royaume ( terme féodal).
[7]Clercs : ecclésiastiques.
[8]Nations : diérèse (na-t-ions).
[9]Faillir : échouer, tomber.
[10]Sourdre : sortir de terre, naître, surgir.
[11]Globe : l'orbe est une sphère surmontée d'une croix utilisée couramment comme symbole d'autorité depuis le Moyen Age et associée à un sceptre, dans les regalia ( ensemble d'objets symboliques de la royauté).