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Theo13

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Posté(e)

Bonjour à tous ,

Je suis là car j'ai un DM à faire en Francais pour Lundi dans deux jours je viens de passer en seconde et j'ai toujours détesté le français

Il faut que je réponde à la problématique suivante : De quel manière ce texte est une nouvelle naturaliste ?

Sur " Une partie de campagne '" Maupassant le texte entier

J'ai un plan à faire comme cela mais je ne sais pas quoi mettre :

Intro( 4-5 ligne )

3 Idée dans 3 paragraphe différents

Dans chaque idée : argumentation exemple et procédé faut que je les colorie

et une conclusion de chaque idée

Puis une conclusion finale

Merci de me repndre au plus vite svp

Cordialement , Théo

Une partie de campagne Guy de MAUPASSANT

On avait projeté depuis cinq mois d’aller déjeuner aux

environs de Paris, le jour de la fête de Mme Dufour, qui

s’appelait Pétronille. Aussi, comme on avait attendu cette

partie impatiemment, s’était-on levé de fort bonne heure

ce matin-là.

M. Dufour, ayant emprunté la voiture du laitier,

conduisait lui-même. La carriole, à deux roues, était fort

propre; elle avait un toit supporté par quatre montants de

fer où s’attachaient des rideaux qu’on avait relevés pour

voir le paysage. Celui de derrière, seul, flottait au vent,

comme un drapeau. La femme, à côté de son époux,

s’épanouissait dans une robe de soie cerise extraordinaire.

Ensuite, sur deux chaises, se tenaient une vieille grandm

ère et une jeune fille. On apercevait encore la chevelure

jaune d’un garçon qui, faute de siège, s’était étendu tout au

fond, et dont la tête seule apparaissait.

Après avoir suivi l’avenue des Champs-Élysées et

franchi les fortifications à la porte Maillot, on s’était mis

à regarder la contrée.

En arrivant au pont de Neuilly, M. Dufour avait dit:

"Voici la campagne enfin!" et sa femme, à ce signal,

s’était attendrie sur la nature.

Au rond-point de Courbevoie, une admiration les avait

saisis devant l’éloignement des horizons. A droite, là-bas,

c’était Argenteuil, dont le clocher se dressait; au-dessus

apparaissaient les buttes de Sannois et le Moulin

d’Orgemont. A gauche, l’aqueduc de Marly se dessinait

sur le ciel clair du matin, et l’on apercevait aussi, de loin,

la terrasse de Saint-Germain; tandis qu’en face, au bout

d’une chaîne de collines, des terres remuées indiquaient le

nouveau fort de Cormeilles. Tout au fond, dans un

reculement formidable, par-dessus des plaines et des

villages, on entrevoyait une sombre verdure de forêts.

Le soleil commençait à brûler les visages; la poussière

emplissait les yeux continuellement, et, des deux côtés de

la route, se développait une campagne interminablement

nue, sale et puante. On eût dit qu’une lèpre l’avait ravagée,

qui rongeait jusqu’aux maisons, car des squelettes de

bâtiments défoncés et abandonnés, ou bien des petites

cabanes inachevées faute de paiement aux entrepreneurs,

tendaient leurs quatre murs sans toit.

De loin en loin, poussaient dans le sol stérile de longues

cheminées de fabriques, seule végétation de ces champs

putrides où la brise du printemps promenait un parfum de

pétrole et de schiste mêlé à une autre odeur moins

agréable encore.

Enfin, on avait traversé la Seine une seconde fois, et,

sur le pont, ç’avait été un ravissement. La rivière éclatait

de lumière; une buée s’en élevait, pompée par le soleil, et

l’on éprouvait une quiétude douce, un rafraîchissement

bienfaisant à respirer enfin un air plus pur qui n’avait

point balayé la fumée noire des usines ou les miasmes des

dépotoirs.

Un homme qui passait avait nommé le pays: Bezons.

La voiture s’arrêta, et M. Dufour se mit à lire l’enseigne

engageante d’une gargote: Restaurant Poulin, matelotes et

fritures, cabinets de société, bosquets et balançoires. "Eh

bien, madame Dufour, cela te va-t-il? Te décideras-tu à la

fin?"

La femme lut à son tour: Restaurant Poulin, matelotes

et fritures, cabinets de société, bosquets et balançoires.

Puis elle regarda la maison longuement.

C’était une auberge de campagne, blanche, plantée au

bord de la route. Elle montrait, par la porte ouverte, le

zinc brillant du comptoir devant lequel se tenaient deux

ouvriers endimanchés.

A la fin, Mme Dufour se décida: "Oui, c’est bien, ditelle;

et puis il y a de la vue." La voiture entra dans un

vaste terrain planté de grands arbres qui s’étendait derrière

l’auberge et qui n’était séparé de la Seine que par le

chemin de halage.

Alors on descendit. Le mari sauta le premier, puis ouvrit

les bras pour recevoir sa femme. Le marchepied, tenu par

deux branches de fer, était très loin, de sorte que, pour

l’atteindre, Mme Dufour dut laisser voir le bas d’une

jambe dont la finesse primitive disparaissait à présent

sous un envahissement de graisse tombant des cuisses.

M. Dufour, que la campagne émoustillait déjà, lui pinça

vivement le mollet, puis, la prenant sous les bras, la

déposa lourdement à terre, comme un énorme paquet.

Elle tapa avec la main sa robe de soie pour en faire

tomber la poussière, puis regarda l’endroit où elle se

trouvait.

C’était une femme de trente-six ans environ, forte en

chair, épanouie et réjouissante à voir. Elle respirait avec

peine, étranglée violemment par l’étreinte de son corset

trop serré; et la pression de cette machine rejetait jusque

dans son double menton la masse fluctuante de sa poitrine

surabondante.

La jeune fille ensuite, posant la main sur l’épaule de son

père, sauta légèrement toute seule. Le garçon aux cheveux

jaunes était descendu en mettant un pied sur la roue, et il

aida M. Dufour à décharger la grand-mère.

Alors on détela le cheval, qui fut attaché à un arbre; et

la voiture tomba sur le nez, les deux brancards à terre. Les

hommes, ayant retiré leurs redingotes, se lavèrent les

mains dans un seau d’eau, puis rejoignirent leurs dames

installées déjà sur les escarpolettes.

Mlle Dufour essayait de se balancer debout, toute seule,

sans parvenir à se donner un élan suffisant. C’était une

belle fille de dix-huit à vingt ans; une de ces femmes dont

la rencontre dans la rue vous fouette d’un désir subit, et

vous laisse jusqu’à la nuit une inquiétude vague et un

soulèvement des sens. Grande, mince de taille et large des

hanches, elle avait la peau très brune, les yeux très grands,

les cheveux très noirs. Sa robe dessinait nettement les

plénitudes fermes de sa chair qu’accentuaient encore les

efforts des reins qu’elle faisait pour s’enlever.

Ses bras tendus tenaient les cordes au-dessus de sa tête,

de sorte que sa poitrine se dressait, sans une secousse, à

chaque impulsion qu’elle donnait. Son chapeau, emporté

par un coup de vent, était tombé derrière elle; et

l’escarpolette peu à peu se lançait, montrant à chaque

retour ses jambes fines jusqu’au genou, et jetant à la figure

des deux hommes qui la regardaient en riant, l’air de ses

jupes, plus capiteux que les vapeurs du vin.

Assise sur l’autre balançoire, Mme Dufour gémissait

d’une façon monotone et continue: "Cyprien, viens me

pousser; viens donc me pousser, Cyprien!" A la fin, il y

alla et, ayant retroussé les manches de sa chemise, comme

avant d’entreprendre un travail, il mit sa femme en

mouvement avec une peine infinie.

Cramponnée aux cordes, elle tenait ses jambes droites,

pour ne point rencontrer le sol, et elle jouissait d’être

étourdie par le va-et-vient de la machine. Ses formes,

secouées, tremblotaient continuellement comme de la

gelée sur un plat. Mais, comme les élans grandissaient,

elle fut prise de vertige et de peur. A chaque descente, elle

poussait un cri perçant qui faisait accourir tous les gamins

du pays; et, là-bas, devant elle, au-dessus de la haie du

jardin, elle apercevait vaguement une garniture de têtes

polissonnes que des rires faisaient grimacer diversement.

Une servante étant venue, on commanda le déjeuner.

"Une friture de Seine, un lapin sauté, une salade et du

dessert", articula Mme Dufour, d’un air important. "Vous

apporterez deux litres et une bouteille de bordeaux", dit

son mari. "Nous dînerons sur l’herbe", ajouta la jeune fille.

La grand-mère, prise de tendresse à la vue du chat de la

maison, le poursuivait depuis dix minutes en lui

prodiguant inutilement les plus douces appellations.

L’animal, intérieurement flatté sans doute de cette

attention, se tenait toujours tout près de la main de la

bonne femme, sans se laisser atteindre cependant, et

faisait tranquillement le tour des arbres, contre lesquels il

se frottait, la queue dressée, avec un petit ronron de

plaisir.

"Tiens! cria tout à coup le jeune homme aux cheveux

jaunes qui furetait dans le terrain, en voilà des bateaux qui

sont chouette!" On alla voir. Sous un petit hangar en bois

étaient suspendues deux superbes yoles de canotiers, fines

et travaillées comme des meubles de luxe. Elles reposaient

côte à côte, pareilles à deux grandes filles minces, en leur

longueur étroite et reluisante, et donnaient envie de filer

sur l’eau par les belles soirées douces ou les claires

matinées d’été, de raser les berges fleuries où des arbres

entiers trempent leurs branches dans l’eau, où tremblote

l’éternel frisson des roseaux et d’où s’envolent, comme des

éclairs bleus, de rapides martins-pêcheurs.

Toute la famille, avec respect, les contemplait. "Oh! ça

oui, c’est chouette", répéta gravement M. Dufour. Et il les

détaillait en connaisseur. Il avait canoté, lui aussi, dans

son jeune temps, disait-il; voire même qu’avec ça dans la

main - et il faisait le geste de tirer sur les avirons- il se

fichait de tout le monde. Il avait rossé en course plus d’un

Anglais, jadis, à Joinville; et il plaisanta sur le mot

"dames", dont on désigne les deux montants qui

retiennent les avirons, disant que les canotiers, et pour

cause, ne sortaient jamais sans leurs dames. Il s’échauffait

en pérorant et proposait obstinément de parier qu’avec un

bateau comme ça, il ferait six lieues à l’heure sans se

presser.

"C’est prêt", dit la servante qui apparut à l’entrée. On se

précipita; mais voilà qu’à la meilleure place, qu’en son

esprit Mme Dufour avait choisie pour s’installer, deux

jeunes gens déjeunaient déjà. C’étaient les propriétaires

des yoles, sans doute, car ils portaient le costume des canotiers.

Ils étaient étendus sur des chaises, presque couchés. Ils

avaient la face noircie par le soleil et la poitrine couverte

seulement d’un mince maillot de coton blanc qui laissait

passer leurs bras nus, robustes comme ceux des forgerons.

C’étaient deux solides gaillards, posant beaucoup pour la

vigueur, mais qui montraient en tous leurs mouvements

cette grâce élastique des membres qu’on acquiert par

l’exercice, si différente de la déformation qu’imprime à

l’ouvrier l’effort pénible, toujours le même.

Ils échangèrent rapidement un sourire en voyant la

mère, puis un regard en apercevant la fille. "Donnons

notre place, dit l’un, ça nous fera faire connaissance."

L’autre aussitôt se leva et, tenant à la main sa toque mipartie

rouge et mi-partie noire, il offrit chevaleresquement

de céder aux dames le seul endroit du jardin où ne tombât

point le soleil. On accepta en se confondant en excuses; et

pour que ce fût plus champêtre, la famille s’installa sur

l’herbe sans table ni sièges.

Les deux jeunes gens portèrent leur couvert quelques

pas plus loin et se remirent à manger. Leurs bras nus,

qu’ils montraient sans cesse, gênaient un peu la jeune fille.

Elle affectait même de tourner la tête et de ne point les

remarquer, tandis que Mme Dufour, plus hardie, sollicitée

par une curiosité féminine qui était peut-être du désir, les

regardait à tout moment, les comparant sans doute avec

regret aux laideurs secrètes de son mari.

Elle s’était éboulée sur l’herbe, les jambes pliées à la

façon des tailleurs, et elle se trémoussait continuellement,

sous prétexte que des fourmis lui étaient entrées quelque

part. M. Dufour, rendu maussade par la présence et

l’amabilité des étrangers, cherchait une position commode

qu’il ne trouva pas du reste, et le jeune homme aux

cheveux jaunes mangeait silencieusement comme un ogre.

"Un bien beau temps, monsieur", dit la grosse dame à

l’un des canotiers. Elle voulait être aimable à cause de la

place qu’ils avaient cédée. "Oui, madame, répondit-il;

venez- vous souvent à la campagne ?

- Oh! une fois ou deux par an seulement, pour prendre

l’air; et vous, monsieur?

- J’y viens coucher tous les soirs.

- Ah! ça doit être bien agréable?

- Oui, certainement, madame."

Et il raconta sa vie de chaque jour, poétiquement, de

façon à faire vibrer dans le cur de ces bourgeois privés

d’herbe et affamés de promenades aux champs cet amour

bête de la nature qui les hante toute l’année derrière le

comptoir de leur boutique.

La jeune fille, émue, leva les yeux et regarda le canotier.

M. Dufour parla pour la première fois. "Ça, c’est une vie",

dit-il. Il ajouta: "Encore un peu de lapin, ma bonne.

- Non, merci, mon ami."

Elle se tourna de nouveau vers les jeunes gens, et

montrant leurs bras: "Vous n’avez jamais froid comme

ça?" dit-elle.

Ils se mirent à rire tous les deux, et ils épouvantèrent la

famille par le récit de leurs fatigues prodigieuses, de leurs

bains pris en sueur, de leurs courses dans le brouillard des

nuits; et ils tapèrent violemment sur leur poitrine pour

montrer quel son ça rendait. "Oh! vous avez l’air solides",

dit le mari qui ne parlait plus du temps où il rossait les

Anglais.

La jeune fille les examinait de côté maintenant; et le

garçon aux cheveux jaunes, ayant bu de travers, toussa

éperdument, arrosant la robe en soie cerise de la patronne

qui se fâcha et fit apporter de l’eau pour laver les taches.

Cependant, la température devenait terrible. Le fleuve

étincelant semblait un foyer de chaleur, et les fumées du

vin troublaient les têtes.

M. Dufour, que secouait un hoquet violent, avait

déboutonné son gilet et le haut de son pantalon: tandis que

sa femme, prise de suffocations, dégrafait sa robe peu à

peu. L’apprenti balançait d’un air gai sa tignasse de lin et

se versait à boire coup sur coup. La grand-mère, se sentant

grise, se tenait fort raide et fort digne. Quant à la jeune

fille, elle ne laissait rien paraître, son il seul s’allumait

vaguement, et sa peau très brune se colorait aux joues

d’une teinte plus rose.

Le café les acheva. On parla de chanter et chacun dit

son couplet, que les autres applaudirent avec frénésie.

Puis on se leva difficilement, et, pendant que les deux

femmes, étourdies, respiraient, les deux hommes, tout à

fait pochards, faisaient de la gymnastique. Lourds,

flasques, et la figure écarlate, ils se pendaient gauchement

aux anneaux sans parvenir à s’élever; et leurs chemises

menaçaient continuellement d’évacuer leurs pantalons

pour battre au vent comme des étendards.

Cependant les canotiers avaient mis leurs yoles à l’eau,

et ils revenaient avec politesse proposer aux dames une

promenade sur la rivière.

"Monsieur Dufour, veux-tu? je t’en prie!" cria sa

femme.

Il la regarda d’un air d’ivrogne, sans comprendre. Alors

un canotier s’approcha, deux lignes de pêcheur à la main.

L’espérance de prendre du goujon, cet idéal des

boutiquiers, alluma les yeux mornes du bonhomme, qui

permit tout ce qu’on voulut, et s’installa à l’ombre, sous le

pont, les pieds ballants au-dessus du fleuve, à côté du

jeune homme aux cheveux jaunes qui s’endormit auprès

de lui.

Un des canotiers se dévoua: il prit la mère. "Au petit

bois de l’île aux Anglais!" cria-t- il en s’éloignant.

L’autre yole s’en alla plus doucement. Le rameur

regardait tellement sa compagne qu’il ne pensait plus à

autre chose, et une émotion l’avait saisi qui paralysait sa

vigueur.

La jeune fille, assise dans le fauteuil du barreur, se laissait

aller à la douceur d’être sur l’eau. Elle se sentait prise d’un

renoncement de pensées, d’une quiétude de ses membres,

d’un abandonnement d’elle-même, comme envahie par une

ivresse multiple. Elle était devenue fort rouge avec une

respiration courte. Les étourdissements du vin, développés

par la chaleur torrentielle qui ruisselait autour d’elle,

faisaient saluer sur son passage tous les arbres de la berge.

Un besoin vague de jouissance, une fermentation du sang

parcouraient sa chair excitée par les ardeurs de ce jour; et

elle était aussi troublée dans ce tête-à-tête sur l’eau, au

milieu de ce pays dépeuplé par l’incendie du ciel, avec ce

jeune homme qui la trouvait belle, dont l’il lui baisait la

peau, et dont le désir était pénétrant comme le soleil.

Leur impuissance à parler augmentait leur émotion, et

ils regardaient les environs. Alors, faisant un effort, il lui

demanda son nom. "Henriette, dit-elle.

- Tiens! moi je m’appelle Henri", reprit-il.

Le son de leur voix les avait calmés; ils s’intéressèrent

à la rive. L’autre yole s’était arrêtée et paraissait les

attendre. Celui qui la montait cria: "Nous vous

rejoindrons dans le bois; nous allons jusqu’à Robinson,

parce que Madame a soif." Puis il se coucha sur les

avirons et s’éloigna si rapidement qu’on cessa bientôt de

le voir.

Cependant un grondement continu qu’on distinguait

vaguement depuis quelque temps s’approchait très vite. La

rivière elle-même semblait frémir comme si le bruit sourd

montait de ses profondeurs.

"Qu’est-ce qu’on entend?" demanda-t-elle.

C’était la chute du barrage qui coupait le fleuve en deux

à la pointe de l’île. Lui se perdait dans une explication,

lorsque, à travers le fracas de la cascade, un chant d’oiseau

qui semblait très lointain les frappa. "Tiens, dit-il, les

rossignols chantent dans le jour: c’est donc que les

femelles couvent."

Un rossignol! Elle n’en avait jamais entendu, et l’idée

d’en écouter un fit se lever dans son cur la vision des

poétiques tendresses. Un rossignol! c’est-à-dire l’invisible

témoin des rendez-vous d’amour qu’invoquait Juliette sur

son balcon: cette musique du ciel accordée aux baisers des

hommes; cet éternel inspirateur de toutes les romances

langoureuses qui ouvrent un idéal bleu aux pauvres petits

curs des fillettes attendries!

Elle allait donc entendre un rossignol.

"Ne faisons pas de bruit, dit son compagnon, nous

pourrons descendre dans le bois et nous asseoir tout près

de lui."

La yole semblait glisser. Des arbres se montrèrent sur

l’île, dont la berge était si basse que les yeux plongeaient

dans l’épaisseur des fourrés. On s’arrêta; le bateau fut

attaché; et, Henriette s’appuyant sur le bras de Henri, ils

s’avancèrent entre les branches. "Courbez-vous", dit-il.

Elle se courba, et ils pénétrèrent dans un inextricable

fouillis de lianes, de feuilles et de roseaux, dans un asile

introuvable qu’il fallait connaître et que le jeune homme

appelait en riant "son cabinet particulier".

Juste au-dessus de leur tête, perché dans un des arbres

qui les abritaient, l’oiseau s’égosillait toujours. Il lançait

des trilles et des roulades, puis filait de grands sons

vibrants qui emplissaient l’air et semblaient se perdre à

l’horizon, se déroulant le long du fleuve et s’envolant audessus

des plaines, à travers le silence de feu qui

appesantissait la campagne.

Ils ne parlaient pas de peur de le faire fuir. Ils étaient

assis l’un près de l’autre, et, lentement, le bras de Henri fit

le tour de la taille de Henriette et l’enserra d’une pression

douce. Elle prit, sans colère, cette main audacieuse, et elle

l’éloignait sans cesse à mesure qu’il la rapprochait

n’éprouvant du reste aucun embarras de cette caresse,

comme si c’eût été une chose toute naturelle qu’elle

repoussait aussi naturellement.

Elle écoutait l’oiseau, perdue dans une extase. Elle avait

des désirs infinis de bonheur, des tendresses brusques qui

la traversaient, des révélations de poésies surhumaines, et

un tel amollissement des nerfs et du cur, qu’elle pleurait

sans savoir pourquoi. Le jeune homme la serrait contre lui

maintenant; elle ne le repoussait plus, n’y pensant plus.

Le rossignol se tut soudain. Une voix éloignée cria:

"Henriette!

- Ne répondez point, dit-il tout bas, vous feriez envoler

l’oiseau."

Elle ne songeait guère non plus à répondre.

Ils restèrent quelque temps ainsi. Mme Dufour était

assise quelque part, car on entendait vaguement, de temps

en temps, les petits cris de la grosse dame que lutinait

sans doute l’autre canotier.

La jeune fille pleurait toujours, pénétrée de sensations

très douces, la peau chaude et piquée partout de

chatouillements inconnus. La tête de Henri était sur son

épaule; et, brusquement, il la baisa sur les lèvres. Elle eut

une révolte furieuse et, pour l’éviter, se rejeta sur le dos.

Mais il s’abattit sur elle, la couvrant de tout son corps. Il

poursuivit longtemps cette bouche qui le fuyait, puis, la

joignant, y attacha la sienne. Alors, affolée par un désir

formidable, elle lui rendit son baiser en l’étreignant sur sa

poitrine, et toute sa résistance tomba comme écrasée par

un poids trop lourd.

Tout était calme aux environs. L’oiseau se mit à chanter.

Il jeta d’abord trois notes pénétrantes qui semblaient un

appel d’amour, puis, après un silence d’un moment, il

commença d’une voix affaiblie des modulations très lentes.

Une brise molle glissa, soulevant un murmure de feuilles,

et dans la profondeur des branches passaient deux soupirs

ardents qui se mêlaient au chant du rossignol et au souffle

léger du bois.

Une ivresse envahissait l’oiseau, et sa voix s’accélérant

peu à peu comme un incendie qui s’allume ou une passion

qui grandit, semblait accompagner sous l’arbre un

crépitement de baisers. Puis le délire de son gosier se

déchaînait éperdument. Il avait des pâmoisons prolongées

sur un trait, de grands spasmes mélodieux.

Quelquefois il se reposait un peu, filant seulement deux

ou trois sons légers qu’il terminait soudain par une note

suraiguë. Ou bien il partait d’une course affolée, avec des

jaillissements de gammes, des frémissements, des

saccades, comme un chant d’amour furieux, suivi par des

cris de triomphe.

Mais il se tut, écoutant sous lui un gémissement

tellement profond qu’on l’eût pris pour l’adieu d’une âme.

Le bruit s’en prolongea quelque temps et s’acheva dans un

sanglot.

Ils étaient bien pâles, tous les deux, en quittant leur lit

de verdure. Le ciel bleu leur paraissait obscurci; l’ardent

soleil était éteint pour leurs yeux; ils s’apercevaient de la

solitude et du silence. Ils marchaient rapidement l’un près

de l’autre, sans se parler, sans se toucher, car ils

semblaient devenus ennemis irréconciliables, comme si

un dégoût se fût élevé entre leurs corps, une haine entre

leurs esprits.

De temps à autre, Henriette criait: "Maman!"

Un tumulte se fit sous un buisson. Henri crut voir une

jupe blanche qu’on rabattait vite sur un gros mollet; et

l’énorme dame apparut, un peu confuse et plus rouge

encore, l’il très brillant et la poitrine orageuse, trop près

peut-être de son voisin. Celui-ci devait avoir vu des

choses bien drôles, car sa figure était sillonnée de rires

subits qui la traversaient malgré lui.

Mme Dufour prit son bras d’un air tendre, et l’on

regagna les bateaux. Henri, qui marchait devant, toujours

muet à côté de la jeune fille, crut distinguer tout à coup

comme un gros baiser qu’on étouffait.

Enfin on revint à Bezons.

M. Dufour, dégrisé, s’impatientait. Le jeune homme aux

cheveux jaunes mangeait un morceau avant de quitter

l’auberge. La voiture était attelée dans la cour, et la grandm

ère, déjà montée, se désolait parce qu’elle avait peur

d’être prise par la nuit dans la plaine, les environs de Paris

n’étant pas sûrs.

On se donna des poignées de main, et la famille Dufour

s’en alla. "Au revoir!" criaient les canotiers. Un soupir et

une larme leur répondirent.

Deux mois après, comme il passait rue des Martyrs,

Henri lut sur une porte: Dufour, quincaillier. Il entra.

La grosse dame s’arrondissait au comptoir. On se

reconnut aussitôt, et, après mille politesses, il demanda

des nouvelles. "Et Mlle Henriette, comment va-t-elle?

- Très bien, merci, elle est mariée.

- Ah!..."

Une émotion l’étreignit; il ajouta:

"Et. .. avec qui?

- Mais avec le jeune homme qui nous accompagnait,

vous savez bien; c’est lui qui prend la suite.

- Oh! parfaitement."

Il s’en allait fort triste, sans trop savoir pourquoi, Mme

Dufour le rappela.

"Et votre ami? dit-elle timidement.

- Mais il va bien.

- Faites-lui nos compliments, n’est-ce pas; et quand il

passera, dites-lui donc de venir nous voir..."

Elle rougit fort, puis ajouta: "Ça me fera bien plaisir;

dites-lui.

- Je n’y manquerai pas. Adieu!

- Non... à bientôt!"

L’année suivante, un dimanche qu’il faisait très chaud,

tous les détails de cette aventure, que Henri n’avait jamais

oubliée, lui revinrent subitement, si nets et si désirables,

qu’il retourna tout seul à leur chambre dans le bois.

Il fut stupéfait en entrant. Elle était là, assise sur l’herbe,

l’air triste, tandis qu’à son côté, toujours en manches de

chemise, son mari, le jeune homme aux cheveux jaunes,

dormait consciencieusement comme une brute.

Elle devint si pâle en voyant Henri qu’il crut qu’elle

allait défaillir. Puis ils se mirent à causer naturellement,

de même que si rien ne se fût passé entre eux.

Mais comme il lui racontait qu’il aimait beaucoup cet

endroit et qu’il y venait souvent se reposer, le dimanche,

en songeant à bien des souvenirs, elle le regarda

longuement dans les yeux.

"Moi, j’y pense tous les soirs, dit-elle.

- Allons, ma bonne, reprit en bâillant son mari, je crois

qu’il est temps de nous en aller."

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